Choses lues en 2018

Choses lues en 2018
Photo de Gülfer ERGİN sur Unsplash

Bilan annuel de ce temps passé hors du monde, dans les livres !

2 janvier 2018 : Leaping the abyss, Gayle Pergamit et Chris Peterson

Vraiment laborieux à lire et en même temps extrêmement éclairant sur le fond de mon métier : la facilitation. "Tout" avait été inventé dès les années 80, avec Matt et Gail Taylor, lui architecte, elle éducatrice, qui ont créé et animé des formats d'intelligence collective en grands groupes extrêmement puissants. Ce livre raconte une session et comment la magie opère.

7 janvier 2018 : Les 16 arbres de la somme

Un thriller avec des arbres. Dispensable à mon humble avis.

14 janvier 2018 : L'Entraide, l'autre loi de la jungle, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle

J'avais des a priori, mais en fait, c'était intéressant !

24 février 2018 : Du côté de chez Swan, Marcel Proust

Oui, c'est vraiment bien. Et oui, c'est vraiment long.

24 février 2018 : Jouer, faisons confiance à nos enfants, André Stern

J'avais un a priori négatif, mais c'est en fait très inspirant !

3 mars 2018 : Jouer sa peau, Nassim N Taleb

Je suis très inspiré par Taleb. J'avais adoré Antifragile et je le suis sur Twitter depuis un moment. Il m'a pas mal fait évolué dans ma vision du monde. J'ai moins aimé ce livre. C'est pour moi un projet libertarien : Taleb cherche à réduire à sa plus petite mesure la question des règles et il aboutit à la notion de jouer sa peau. Il s'agit certainement d'une condition nécessaire, mais est-elle suffisante ?

En critique, Taleb ne pense pas le changement, la nouveauté. Sa recherche d'invariant semble un peu forcée. Les sociétés évoluent. Et sa vision de la liberté est assez naïve il me semble. Et quel rôle se donne-t-il ? Lui qui critique les intellectuels mais en est un...

18 mars 2018 : Dialogues, Gilles Deleuze, Claire Parnet

Un livre très accessible, qui navigue dans certains concepts deleuzien et qui fait écho à l'abécédaire. On aimerait toujours un peu plus d'application, par exemple sur la question de la féodalité comme agencement.

29 mars 2018 : Vous êtes vendeur, le saviez-vous ? Daniel Pink

C'est clairement pas incroyable. Beaucoup d'éléments vus par ailleurs. Et probablement assez mal traduit, car dur à lire... Les frères Heath font beaucoup mieux !

10 avril 2018 : La mort d'un père, Karl Ove Knaussgard

Incroyable ! Je n'avais jamais lu de truc comme ça. C'est une capacité d'observation et de retranscription étonnante, qui frise l'autisme... C'est dense, précis, ça nous plonge dans des impressions intenses alors qu'ils ne s'agit que de raconter des évènements "normaux".

11 mai 2018 : La grande transformation, Karl Polanyi

Assez extraordinaire ! Une étude exhaustive de l'apparition du libéralisme et du paradigme qui a gouverné le monde pendant 100 ans, du début du 19ème aux années 30. Le début est fou de synthèse. Sur la fin, c'est parfois assez dur à suivre (la description stylisée des mouvement économiques). Ce qu'il dit en substance c'est que le libéralisme est une utopie destructrice qui a pour but de générer un marché autorégulateur (une fiction totale qui est devenue réalité) en transformant en marchandise le travail, la terre, la monnaie. Il montre, d'un point de vue anthropologique, à quel point c'est nouveau et étrange et il décrit les résistances de la société face à cette idée. Qui ont permis des aménagements, même si l'idée a largement porgressé. C'est étonnant de lire ça aujourd'hui où clairement, on est beaucoup, beaucoup plus loin dans l'extension du marché. Le titre ça aurait pu être : le marché contre la société.

16 mai 2018 : L'héritage des espions, John Le Carré

J'adore Le Carré. On replonge avec délice dans ce préquel de la trilogie Karla.

3 juin 2018 : Reingenting Organizations, Frédéric Laloux

Bof bof. Les cas sont très éclairants, et le livre a clairement eu un impact important. En revanche, la perspective théorique pose vraiment problème. L'idée que l'humanité est en progression linéaire vers le progrès pose quand même des questions...

15 juin 2018 : Laëtitia, Ivan Jablonka

J'ai pas aimé. C'est du Carrère en moins bien.

23 juillet 2018 : Janua Vera, Jean-Philippe Jaworski

Un très beau livre de nouvelles. De la fantasy intelligente.

29 juillet 2018 : Les affects de la politique, Frédéric Lordon

Assez étrange.... C'est toujours cool de retrouver Lordon, sa langue hyper exigeante, son système super clair et puissant. Et pourtant on se demande un peu à quoi ça sert. En gros ce bouquin c'est un truc très compliqué pour aboutir à des banalités. Lordon a de plus un rapport bizarre a l'oeuvre de spinoza. Il s'appuie dessus comme si c'était de la religion ou des maths et le quitte à un moment critique, quand il soutient qu il va continuer à être en colère plutôt que de cultiver la hauteur du philosophe. Ca donne un peu l'impression qu'il construit une cathédrale mais qu'il enlève la clé de voute... Et à la fin sa solution est quand même assez légère. Les révoltes logiques et l'imagination intellectuelle semblent être des contre sens, des fantasmes de cérébraux.

Je crois qu'il s'agit d'une grammaire à replacer dans une dimension pragmatique et méthodologique sur le changement...

5 août 2018 : Pour un catastrophisme éclairé, Jean-Pierre Dupuy

Alors, un livre très intéressant lu avec une sensation de grande nécessité. C'est de la philosophie analytique, donc je peux pas m'empêcher de me demander à quoi ça sert, ce côté constructions extrêmement rigoureuses complètement déconnectées du réel, mais il est vrai que ça va questionner des points logiques profonds. Notamment  celui du rapport à la catastrophe et du changement de posture radical que notre situation implique. Quelque chose qui aurait à voir avec l'heuristique de la peur, la présence, pour toujours de la catastrophe à l'horizon, indépassable, mais sur laquelle on pourrait avoir prise. Et, regarder notre situation depuis ce point, après la catastrophe. En tout cas, ça me lance sur la thématique du catastrophisme, comme courant, mouvement politique, élan pour reconnecter notre société à ce qu'elle peut.

12 août 2018 : Ce qu'aimer veut dire, Mathieu Lindon

Livre agréable à lire, mais peut-être un peu décevant, au regard du sujet : Michel Foucault, sous le regard d'un de ses amis proche, beaucoup plus jeune, qui l'a fréquenté pendant 6 ans avant sa mort. On distingue un peu Foucualt, ainsi que le monde de la littérature de cette époque - le père de l'auteur est le fondateur des éditions de Minuit, on voit Deleuze, Robbe Grillet... Mais assez peu, sous les récits de drogue (sympa) et les considérations sur l'amour filial et ce qui unissait Lindon et Foucault (moins intéressant).

14 août 2018 : Ma dévotion, Julia Kerninon

C'est très bien, très fort, on voit un vrai parcours, un destin, brusquement décrit, mais qui emporte. C'est un page turner, on a du mal à s'arrêter, car c'est hyper ciselé, plein de chutes, de suspens... la construction psychologique des personnages est très forte, pleine de creux, décrite comme par des traits, des gestes, mais la vision globale se laisse deviner, elle reste à composer par le lecteur. Ca fait du bien de lire ça, c'est puissant, enthousiasmant et totalement dramatique !

31 août 2018 : Un homme amoureux, Karl Ove Knaussgard

Génial, peut-être un effet un peu moins fou que le premier (manque l'effet de découverte), mais c'est toujours extraordinaire de suivre le narrateur, dans ses émotions, ses réflexions. De passer tous ces moments avec lui. Et la construction est incroyable, comment on voyage dans le temps entre différentes époques sans s'en rendre compte. Et, humainement, ça m'a pas mal apporté, sur le rapport à la dépression, sur le fait de saisir les choses belles. Bref, génial !

6 septembre 2018 : Splendeur des âmes blessées, Agnès Stevenin

Un livre ésotérique écrit par une guérisseuse... que j'ai beaucoup aimé. Ca m'a fait beaucoup de bien de découvrir cette dimension, très mystique, de la réalité, et les histoire de soin qu'elle raconte. La philosophie qui va derrière, le fait de dire "oui à ce qui est", de se dire que les choses qui arrivent arrivent pour une raison, une forme de lâcher prise joyeux, c'est assez réjouissant !

17 septembre 2018 : Comment tout peut s'effondrer, Pablo Servigne et Raphaël Stevens

Formidable ! Ca fait beaucoup de bien, à la fois de voir les choses en face, aussi clairement, et de se brancher sur du positif derrière. Et puis c'est remarquablement écrit.

6 octobre 2018 : La fin du courage, Cinthya Fleury

J'ai pas trop aimé. J'ai trouvé que ça faisait dissertation d'élève surdoué mais sans profondeur. Je comprends pas trop son projet de définir le courageux, comme ça hors sol. Et d'aller faire des citations dans tous les sens pour essayer de raccrocher les wagons en disant que c'est comme son courageux... Mais il y a de beaux moments, inspirants.

7 octobre 2018 : Petit traité de résilience locale

Génial. Hyper synthétique. Un petit livre avec du swing, qui ouvre un sujet passionant, avec des directions super riches. J'ai trouvé ça très enthousiasmant.

18 octobre 2018 : Rues barbares, Piero San Giorgio, Vol West

Plutôt bien en fait, assez marquant, donne envie de se bouger et de faire des truc. Et pas du tout aussi violent que ne le laisse penser le titre et la couverture...

20 octobre 2018 : Le monde selon Garp, John Irving

J'avais lu ce livre il y a bien longtemps et ça avait été une révélation ! C'était devenu mon livre préféré. A la relecture, c'est moins fou que la première fois. Mais ça fait beaucoup de bien de lire un roman, ça permet de mieux comprendre le monde, comme si lire des choses sur les émotions permet de ressentir des émotions dans le monde réel. J'ai notamment été touché par les passages sur l'amour filial.

2 novembre 2018 : Où atterir, Bruno Latour

Intéressant. Mais pas sûr de savoir quoi en faire ensuite. C'est très appréciable de vouloir sortir des "faux" clivages local versus mondialisation pour essayer de proposer un nouvel attracteur. Celui-ci reste à concrétiser...

28 novembre 2018 : Pourquoi nous dormons, Matthew Walker

Pas mal. Un peu long pour rien. Les pratiques de recherche sont quand même assez ennyeuses, j'ai sauté certains passages. Et la morale, spoiler : il faut absolument dormir 8 heures par nuit.

6 décembre 2018 : My absolute darling, Gabriel Tallent

Assez ouf. Un roman qui prend, très dense, très surprenant. Très américain dans la non analyse des évènements. Les choses arrivent, les personnages réagissent, c'est fort, c'est vivant, très imparfait et pas du tout intellectualisé. En plus ça intégre la collaspo.

27 décembre 2018 : Où en sommes-nous ? Emmanuel Todd

Pas mal du tout. J'ai appris pas mal de choses et ça m'a pas mal branché sur la démographie. Peut-être que ça m'aurait plu de faire ça durant mes études, un mélange de formalisation et de sujet intéressants (là où l'économie n'est que formalisation). Le livre est riche, mais il semble quand même écrit assez vite. C'est étrange à quel point ça peut être technique et à quelle point les thèses peuvent paraitre simples / simplistes. Genre les américains sont proches de l'homo sapiens originel, d'où leur dynamisme...

On trouve pas mal de choses très convaincantes sur la marche du monde, le fait que on n'est pas sur une grande convergence. Ce qui est drôle c'est que Todd semble quand même être un réductionniste. Il envie, je crois les économiste pour la beauté de leur modèle et leur raisonnement qui fonctionnent sous vide. Il est marrant aussi dans sa manière de manier le quanti, avec quelques pourcentages par ci par là, des tableaux. Ca semble assez véridique comme rapport aux données.

Photo : laura adai on Unsplash